Terres en location et menacées par le béton, engrais au marché noir, eau rare : Dur, dur d’être agriculteur !

Posted in Ressources naturelles with tags , , on 5 août 2022 by Paysans d'Algérie

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En cette période où la campagne moissons-battages bat son plein, les regards sont tournés vers la céréaliculture et les conditions dans lesquelles évoluent ses acteurs. De l’accès au foncier et à l’eau agricole jusqu’à la livraison des récoltes aux CCLS (coopératives des céréales et légumes secs) de l’OAIC, le parcours n’est pas de tout repos en effet, affirment souvent les céréaliculteurs qui dénombrent une multitude d’embûchent qui parsèment leur chemin.

Rencontré dans son exploitation, Ali Boumriche, qui est l’un des acteurs clé de la filière céréalière dans la wilaya de Tizi Ouzou et ayant été primé l’année dernière du prix du meilleur producteur de céréales durant la saison 2020-2021 par la Chambre d’agriculture de wilaya, reviendra longuement sur son expérience de plusieurs années dans ce domaine, non sans avoir à gérer des situations contraignantes mais qui ne l’empêchent pas pour autant d’avoir des ambitions et des projections à long terme.

Evoquant le périmètre agricole de Draa El Mizan qui, avec 15 000 hectares, représente plus de 10% de la surface agricole utile globale de la de Tizi Ouzou, et où il est multiplicateur de semences de céréales, M. Boumeriche assure que « cette zone comprend des terres à haute valeur agricole, d’autant plus qu’elle a l’avantage d’être un périmètre irrigué, avec le barrage qui y est réalisé ».

En revanche, regrette-t-il, « en l’absence de contrôle des services de l’Etat, d’importants pans de ces terres à fort potentiel agricole s’amenuisent d’année en année en raison de l’urbanisation anarchique qui envahit cette zone de toutes parts ».

L’agriculteur Ali B. apportant du gazoil pour alimenter ses pompes à eau qui fonctionnent en alternance pour assurer une irrigation permanente/ Photo M. Naïli

Interrogé justement sur les raisons de ces dizaines, voire des centaines, de bâtisses qui remplacent peu à peu les vastes étendues de cultures végétales de toutes sortes dans ce périmètre, il affirmera que « ce sont des propriétaires terriens qui, soit ils ont arrêté leur activité agricole qu’ils trouvent moins rentable et ont créé des lotissements qu’ils ont vendus comme terrains à bâtir, soit ils ont changé d’activité pour lancer des unités de production de matériaux de construction, d’entrepôts, commerce de gros et bien d’autres activités qu’ils jugent plus lucratives ».

Outre, les terres relevant de la propriété privée, « il y a aussi des exploitants ayant bénéficié de concessions pour la création d’EAC (exploitations agricoles collectives) ou EAI (exploitations agricoles individuelles) sur des terres du domaine privé de l’Etat qui cèdent ces terres à des projets d’utilité publique moyennant des indemnités conséquentes ».

Comment la situation en est arrivée là, alors que la législation interdit fermement le détournement des terres agricoles de leur vocation ? « Les terres sont bâties sans permis de construire, mais à la fin, les propriétaires de ces constructions réussissent toujours à se faire régulariser par voie de justice », expliquera-t-il dépité.

Cette tendance à tolérer les atteintes portées aux terres agricoles est loin d’être spécifique au périmètre irrigué de Draa El Mizan, dès lors que, récemment, le médiateur de la République, Brahim Merad, affirmait que « puisque les infrastructures réalisées sur des terres agricoles ne peuvent pas être démolies, il faut les régulariser et autoriser leur exploitation ».

L’avancée effrénée de l’urbanisation a fortement dégradé les périmètres irrigués où les rendements sont les plus importants dans les régions côtières. Photo de couverture du groupe Facebook Ath Ouaguenoun

Terres louées 30 000 à 50 000 DA/ha

C’est ainsi donc qu’un périmètre aussi stratégique, où les rendements en céréales atteignent les 45 quintaux/hectare, alors que la moyenne nationale est de 20 à 25 qtx/ha et où 48 000 quintaux de céréales sont attendus cette saison, se perd progressivement malgré ses potentialités et la volonté des centaines d’agriculteurs qui y  travaillent.

Abordant son expérience dans le domaine de la céréaliculture, Ali Boumeriche, bien qu’il n’a en sa possession qu’une exploitation de petite taille, mais il procède à la location de terres auprès d’autres agriculteurs jusqu’à atteindre cette saison une superficie de 70 hectares emblavée pour la production de semences. Là encore, la location de terres auprès des particuliers, dont les prix varient entre 30 000 et 50 000 dinars/hectare/année, n’est pas sans inconvénients, car, dira-t-il, « souvent ces propriétaires louent leurs terres sans actes notariés ou autre titre officiel, or, nous, de notre côtés, nous avons besoin de ces documents que ce soit pour l’acquisition d’engrais ou pour justifier les superficies cultivées auprès de l’administration sectorielle ».

Pour les intrants, les semences ou les engrais, Ali Boumeriche regrette la hausse spectaculaire des prix qui n’épargnent aucun produit, comme « le NPK, utilisé pour le traitement des sols, se négocie entre 15 000 et 16 000 DA/quintal, or que son prix normal ne doit pas dépasser les 8 000 DA, les semences, non seulement ont connu des hausses de prix mais elles ne sont pas disponibles », dira-t-il, en citant l’exemple de semences maraichères pour lesquelles il a du faire le déplacement jusqu’à Mostaganem pour les trouver.

Dans le domaine céréalier, une fois passé le cap des moissons-battages, c’est un autre processus qui débute, à savoir la livraison des récoltes à la CCLS de Draa Ben Khedda, à près de 40 KM de son exploitation. A ce niveau, tout en reconnaissant que les choses ont évolué positivement et en se réjouissant de la révision à la hausse des prix décidée cette année par les pouvoirs publics, à savoir 6000 DA/ql pour le blé dur, 5 500 DA/ql pour le blé tendre et 3 400 DA/ql pour l’orge et l’avoine, Ali Boumeriche regrette des retards énormes pour le règlement des primes. Mais, loin d’être défaitiste, il affiche des ambitions pour aller de l’avant et, pour preuve, une moissonneuse-batteuse nouvellement acquise au prix fort de 13 millions de dinars pour ses récoltes, mais aussi à mettre à la disposition d’autres céréaliculteurs de la région.

Terres archs : Le fief des barrons du mouton

Posted in Ressources naturelles with tags , , , , on 31 Mai 2022 by Paysans d'Algérie

Agriculture industrielle – agriculture oasienne et paysanne : Deux modèles se disputent le Sahara en Algérie

Posted in Ressources naturelles with tags , on 19 Mai 2022 by Paysans d'Algérie

La sécurisation des terres agricoles du domaine public à l’épreuve du clientélisme politique en Algérie

Posted in Financement et investissement dans l’agriculture, Ressources naturelles with tags , , , , on 11 Mai 2020 by Paysans d'Algérie

Facteur stratégique de sécurité alimentaire, les terres agricoles nécessitent une protection optimale avec des mécanismes devant être définis par des dispositifs juridiques clairs et imperméables.
En Algérie, cette sécurisation devient problématique dès lors que l’accès à la terre, et à toute autre ressource ou rente, est dicté par des paramètres autres que la rationalité.
En effet, soucieux de sa perpétuation depuis l’indépendance, le pouvoir politique instrumentalise la rente pour faire adhérer les populations à sa logique. C’est ainsi que, à travers les différentes réformes foncières et agraires, la distribution des terres se fait toujours par le recours au clientélisme politique et à la captation de l’État.
Publié in Confluences Méditerranée 2019/1 (N° 108), pages 47 à 58
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L’Algérie entre le marteau de la sécurité alimentaire et l’enclume environnementale

Posted in Financement et investissement dans l’agriculture, Ressources naturelles with tags , , , on 17 mars 2016 by Paysans d'Algérie

La lecture d’un système économique à l’intérieur de son environnement peut s’avérer très  instructive à plus d’un titre. Un bilan écologique doit nous renseigner sur notre aptitude à gérer les infrastructures écosystémiques ou les richesses naturelles d’un territoire.

Par Sofiane Benadjila*

Au nom de la croissance économique, l’humanité a contracté une dette environnementale à l’échelle de la planète depuis les années 1970.

L’Algérie, quant à elle, a utilisé ses ressources, tué ses capacités de production mais –fait insolite – sans rien bâtir ! Ce qui peut s’apparenter à du pillage pur et simple. Dire que la masse financière extraite des richesses du milieu depuis l’indépendance aurait pu insuffler une dynamique économique à tout un continent. Tout ce qu’on a réussi à faire avec toutes les ressources naturelles exploitées c’est de financer notre dépendance alimentaire et de remettre en question la souveraineté nationale.

Si on considérait l’évolution de l’ensemble des maux qui ont frappé le pays durant ces années, on est amené à constater que notre embarcation est pour le moins que l’on puisse dire en état de détresse. Parmi toutes les crises vécues par le pays durant ce demi siècle d’indépendance, celle dans laquelle nous sommes pris aujourd’hui est certainement  la plus grave. Son issue sera déterminante pour les années, voire les mois qui arrivent.

Sofiane Benadjila

Pressions sur les liens sociaux**

Situation inédite, héritage de l’accumulation de dérives successives parvenant pour la première fois à culminer au point de nous placer face à une question de survie. La conjonction des effets pervers des déviances, risque de s’abattre sur le pays avec une violence inégalée jusque là. L’ethnologie nous apprend que ce qui a poussé les hommes à s’unir est le besoin d’assurer leur subsistance. La cohésion du groupe ou de la société, provient de la nécessité à donner plus de résilience pour assurer la pérennité de l’espèce. Le spectre de la famine ne justifie plus l’existence de ces liens sociaux. La pression qu’il peut exercer sur ces rapports vitaux peut les faire voler en éclats. Vu autrement, on comprend que des personnes se rassemblent pour manger, mais elles ne le font jamais pour crever de faim ! A l’échelle d’un pays, ce lien est la base de l’édifice de toute l’architecture sociétale. La cohésion et les structures sociales, en dépendent directement et, avec elles, l’unité nationale.

L’Algérie a lié sa dépendance économique à l’exportation des hydrocarbures peu après les avoir nationalisés, c’est-à-dire dès les années 1970. La disponibilité de cette ressource a permis le  passage de l’économie vers un système « cueillette et troc ». Rappelons-le, c’est le modèle économique dominant au paléolithique, avant le développement de l’agriculture comme première activité de production…

 

biocap

Les besoins explosent

 

Comme c’est le cas dans de nombreux pays, après la période coloniale, la poussée démographique et l’amélioration du niveau de vie font exploser les besoins. Ceux-ci vont à leur tour exercer une pression insoutenable sur l’exploitation des ressources du pays. Le graphique ci-dessus reflète les résultats des différentes politiques économiques du pays. La courbe  (1) (Jaune-exportation nette) montre  que nous ne sommes plus devenus exportateur de richesses dès les années 1970. La courbe (3) indique que juste après, les prélèvements (empreinte écologique) ont dépassé les capacités des écosystèmes et des structures de production du pays (2), c’est le début de la dépendance.

Depuis, nous vivons donc sur une dette écologique en croissance (aire : 3-2), soutenue par une baisse tendancielle de la production, et par une croissance de l’extraction des ressources. En d’autres termes, cela signifie que le pays consomme des richesses  étrangères, pour cela il dilapide ses propres écosystèmes de production en utilisant les ressources fossiles disponibles. La lecture de ces données confirme qu’hier est mieux qu’aujourd’hui, et qu’une prospective dira sans aucun doute que demain ne sera pas meilleur qu’aujourd’hui. On peut noter au passage que durant toute cette période, le développement humain s’est fait sur une surexploitation des ressources existantes, en absence de développement économique.

Au-delà du  pillage des ressources  environnementales, l’extension de ce système rentier, donc contreproductif, s’est fait au détriment du bien être et de la volonté des populations locales. On a vu progresser la marginalisation des acteurs économiques, l’extinction des anciens secteurs de productions, et l’échec des nouvelles politiques économiques, comme si « l’existant a été remplacé par rien ». Nous avons vu aussi comment nous avons poussé à l’exportation clandestine de la ressource humaine…, Au même moment on a assisté à l’extension de la corruption, du clientélisme…, jusqu’à leur institutionnalisation.

Pendant toutes ces années la croissance démographique a été accompagnée structurellement par une réduction de la capacité productive (biocapacité) propre au pays (de 1,7 à 0,6%). Comparativement aux autres pays de la rive Sud méditerranéenne, l’Algérie a atteint le plus haut niveau (65,9%) de dépendance de la région. Pour ne rien arranger, contrairement à nos voisins, il n’est possible de maintenir le degré d’autonomie (34,1%) que dans la mesure où les recettes d’hydrocarbures permettent de soutenir une activité économique interne. On l’aura compris, dans une situation pareille notre préoccupation va en premier à la dépendance alimentaire, sans laquelle il n’est pas permis d’envisager de souveraineté nationale. Aujourd’hui  ce niveau de dépendance atteint par l’homme sur cet espace est sans précédent dans l’histoire.

Dev&env

  • Empreinte écologique (Empte) : C’est un outil qui sert à mesurer la pression exercée par l’homme sur la nature.
  • Biocapacité (Bio) : Capacité d’une zone, terrestre ou aquatique, à générer une offre continue en ressources renouvelables et à absorber les déchets.
  • Autosuffisance (Autoce) en % : Ratio biocapacité /empreinte
  • Dépendance (Depce) en % : 100% – Autoce. Exprime dans quelle proportion un pays doit, pour assurer le niveau de vie de ses habitants, faire appel à l’extérieur et/ou puiser dans des ressources non-renouvelables.

Comment subvenir aux besoins de 40 millions d’habitants ?

Considérée comme étant le baromètre de la faim dans le monde, les céréales apportent 46% des calories alimentaires dans  les pays de la rive Sud de la Méditerranée. Pour la plus part de ces pays, la productivité a été multipliée par 3 ou 4 ces 50 dernières années. Dans le cas de l’Algérie, il s’avère que c’est la dépendance qui s’est multipliée.

On pourrait remonter aux paléo-berbères, ou aux premiers humains ayant occupé cette partie du Maghreb, sans trouver une trace de peuples soumis au risque de famine comme c’est le cas actuellement. Bien entendu à ne pas confondre avec les catastrophes naturelles ou les guerres, etc. qui ont eu toujours des conséquences désastreuses sur les populations, mais considérées à l’échelle du temps elles peuvent être assimilées à des situations conjoncturelles.

Cette menace lancinante du spectre de la faim, se concrétise en ces temps où le déficit budgétaire affiche des records alarmants. Elle nous rappel avec une brutalité naturelle sa position vitale dans la société. On peut se demander à partir de quoi allons nous construire le secteur agricole, ou encore comment passer d’une économie virtuelle vers une économie réelle capable de subvenir durablement aux besoins alimentaires de 40 millions d’habitants.

1 500 litres d’eau pour produire un 1 kg de blé

Certains paramètres sont déterminants dans la conception d’une politique alimentaire. Ce sont des éléments de réflexion qui donnent la possibilité d’évaluer le potentiel de développement existant. Il s’agit, en l’occurrence, des disponibilités en eaux douces, en terres agricoles, en énergie et surtout en capital humain.

Travailler permet d’acquérir les moyens de subsistances certes, mais c’est aussi une façon d’exister. En accédant à la vie professionnelle, l’être humain doit être en mesure de pouvoir s’exprimer dans son rôle social en libérant sa force vitale. Au sein d’une société rentière l’emploi est conçu tout à fait autrement. Dans sa logique, le caractère sociopolitique de l’emploi-rente traque les hommes de métiers porteurs de savoir-faire et méprise la compétence, l’éthique, etc.

Pendant des années, fonctionnaires et salariés, toute une frange de la société engagée dans une société convertie à  la consommation voit sa vie active s’écouler sans pouvoir participer naturellement à la construction du pays. Ce sont des générations qui se retrouvent exclues, baignées dans un gigantesque mensonge régulièrement reverni par la rente.

Pour ne rien arranger, on sait que dans une situation contreproductive, il n’y a pas d’accumulation de savoir, bien au contraire, une érosion du capital humain affecte lourdement le potentiel des forces vives de la société. Le secteur agricole ayant été le fleuron de l’économie, il est donc logique de constater que c’est celui qui est le plus pénalisé.

L’agriculture consomme en moyenne 80% de l’eau douce disponible sur la planète. Selon la FAO, ces réserves en eau sont de 7 000m3/habitant/an. En Afrique du Nord et Moyen Orient, elles seraient de 1 200m3/hab./an, et en Algérie de 500m3 m3/hab./an. Parallèlement, on sait que les nappes au nord du pays sont surexploitées, que les barrages présentent un grave état d’envasement, que l’eau de mer commence à s’infiltrer dans les nappes phréatiques de la bande littorale. On imagine l’effort colossal qui devra être fourni, sachant qu’il faut  mobiliser  1 500 litres d’eau pour produire juste 1 kg de blé, et que l’Algérien en consomme 230kg/an.

 

Pour accéder à l’autosuffisance alimentaire l’Algérie compte atteindre 2 millions d’hectares de surfaces irriguées d’ici 2020. Plus de 80% de ces terres se trouvent dans des zones semi arides et arides. Ce sont des écosystèmes très fragiles, dont les sols sont désertiques et biologiquement inertes.

Au risque d’une exploitation minière de leur faible potentiel (le cas de l’Arabie Saoudite pour les céréales est devenu un exemple de développement non durable), il faudra leur consacrer des années de travail pour leur conférer une fertilité durable. Sous de tels étages bioclimatiques les besoins en eau sont très élevés (Ouargla ; Evaporation : 33 000 m3/an/ha), sachant que la disponibilité de l’eau est étroitement liée à celle de l’énergie, il y a lieu de croire que la consommation énergétique sera corrélative à celle des besoins d’irrigation. Sans compter les problèmes de salinité auxquels il faudra faire face, il est évident qu’on ne peut engager des projets aussi vitaux avec une ingénierie des années 1980.

irrigation dans une oasis à Biskra

Massacre écologique à Biskra et El Oued

 

Il sera demandé d’innover des approches d’une ingénierie écologique durable et très contextualisée. Il est certain que l’on peut attribuer aucune viabilité à un développement agricole à l’image des massacres environnementaux qui sont entrain de se faire à Biskra ou El Oued.

Depuis 1962, entre pertes et gain de terres arables, les projets agricoles n’ont pas pu augmenter de façon sensible les surfaces cultivées. Sous l’effet de l’explosion démographique, de l’érosion et de l’urbanisation, les surfaces disponibles par habitant ont systématiquement diminuées. De 0,2ha/Hab. en 2000, elles risquent de passer à 0,17ha/Hab. en 2020. En l’espace d’un demi-siècle, la surface agricole par habitant  aurait donc été divisée par six.

Indépendamment de ces paramètres, il faut intégrer dans la réflexion les changements  climatiques, et avec eux l’accélération de la perte des sols, la raréfaction de l’eau, les rendements déjà faibles chuteront  de 10 à 30 %.

D’une façon générale, l’énergie est un facteur clé du développement économique. Celui de l’agriculture n’y échappe pas, non plus. A lui seul ce secteur absorbe 30% de l’énergie mondiale, soit 4 fois plus que l’industrie. L’agriculture industrielle dominante dans le monde a besoin de consommer 7 à 10 calories fossiles pour produire une calorie alimentaire. Pour simplifier, on peut tout simplement considérer que ce modèle agricole arrive à nourrir l’humanité grâce au pétrole. L’énergie permet de mobiliser l’eau, de mécaniser, de motoriser, chauffer, refroidir, transporter, etc. C’est sur sa disponibilité que s’est bâtie la production agricole après la seconde guerre mondiale, dite révolution verte.

Nous sommes à un moment où la production des hydrocarbures (pétrole) suit une courbe en déclin, alors que la croissance de la consommation interne prend une allure exponentielle. A ce rythme, la consommation absorbera fatalement l’ensemble de la production. La Commission de Régulation du Gaz et de l’Electricité (CREG) estime pour sa part, que l’Algérie risque de ne plus pouvoir  exporter de gaz dès 2017-2018. D’où l’intérêt à raisonner un  modèle de développement agricole peu vorace en énergie fossile.

L’agriculture paysanne comme alternative

 

De toute évidence, en cinquante ans, l’état des infrastructures écologiques s’est nettement dégradé, il y a eu perte de potentiel biologique. En cas de relance elles n’auront plus le même répondant, mais il est certain que leur récupération (lorsqu’elle est possible) présentera une facture conséquente.

Il est donc évident que c’est dans un contexte de transition énergétique qu’il faut voir l’avenir. De toute façon il ne sera pas possible d’apposer les besoins énergétiques agricoles et industriels sur la consommation interne existante. Techniquement, il est possible de trouver les solutions les plus efficientes pour assurer durablement la sécurité alimentaire de la population. L’ingénierie à développer sera totalement différente de celle des années 1980. Mis à part le fait de multiplier les surfaces cultivées, d’accroitre leur productivité, d’augmenter considérablement les quantités d’eaux disponibles, les modes de cultures doivent être réadaptés aux conditions locales de l’Afrique du Nord. Il faudra conceptualiser au départ l’affranchissement des énergies fossiles, l’augmentation du carbone dans les sols.

Il serait ridicule de ne pas profiter des erreurs de l’agriculture dite moderne pour se lancer dans des projets pompeux dans leur gigantisme, à la fois coûteux et qui se sont avérés non durables.

A travers le monde, la communauté scientifique reconnait de plus en plus que seul le modèle agrobiologique est capable de surmonter ces défis. Il permet d’intensifier les systèmes agroécologiques avec une très forte efficacité énergétique (1 calorie renouvelable pour plus de 5 calories alimentaires) tout en maintenant des seuils de productivité élevés. Dans le cas des pays émergents, cela sous entend que ce sera à l’agriculture familiale paysanne de porter un tel projet économique pour assurer la  promotion sociale des acteurs sociaux, tout en préservant les écosystèmes grâce auxquels les activités économiques deviennent possibles.

Pour l’heure, tout en espérant que cette approche soit erronée, cela fait 18 mois que nous sommes assis, figés sur cette réserve de changes en résorption. Nous regardons la dévaluation accélérée de la monnaie nationale (30% depuis décembre 2015). La COFACE vient de classer l’Algérie parmi les pays les plus risqués du monde en matière d’investissements. La troisième compagnie d’assurance à l’échelle  mondiale nous rappelle que nous n’avons plus de solvabilité.

La gouvernance n’ayant aucune maitrise sur les montants de recettes des hydrocarbures (évalués pour 2016 entre 14 et 22 milliards de dollars pour un baril proche de 30 USD), ni sur la plus grande partie du flux monétaire circulant à l’intérieur du pays (secteur informel), sans institutions compétentes en mesure d’opérer un changement de fond. Face à l’effritement, elles font ce qu’elles peuvent pour sauver les apparences.

Sans conteste, chaque jour qui passe est un jour contre nous. Toujours dans l’incapacité d’engager des réformes structurelles conséquentes, pouvons-nous nous permettre de fonder tout notre espoir sur un Demain construit à coûts de promesses décalées de la réalité, sans nous rappeler que sur Terre, la gesticulation dans le vide obéit obligatoirement à la loi de la pesanteur ?

(*) Sofiane Benadjila, ingénieur agronome, ENSA (ex INA).

Membre de la LADDH (Ligue algérienne de défense des droistd e l’homme)

 sofbenadjila@hotmail.fr

(**) Le titre et les intertitres sont de Mohamed Naïli

Références bibliographiques :

 

– Mémoire présenté en vue de l’obtention du Diplôme de Magister en Sciences Agronomiques Spécialité : Agronomie Saharienne, Option : Gestion des Agro systèmes sahariens, par Mohamed Faci, Soutenu le 08/04/2009.

 

– COFACE : Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur. « Evaluation des risques d’impayés de entreprises par pays », janvier 2016.

 

Global Footprint Network. WWF. Direction du développement et de la coopération (DDC),

 Afrique, Empreinte Ecologique et Bien-être Humain »

 

– Organisations Population Matters, Global Footprint Network (GFN) « Empreinte écologique et population soutenable », 2011.

 

– UNCCD (2004), United Nations Convention to Combat Desertifi cation, « Programme d’Action National sur la lutte contre la désertification, Algérie, Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural, Direction Générale des Forêts.

 

Dorsouma, Hamndou et Mélanie Requier-Desjardins et al., Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS), 2010, « Variabilité climatique, désertification et biodiversité en Afrique : S’adapter, une approche intégrée ».

 

Lydia et Claude Bourguignon,2016,  « Soigner la planète pour nourrir l’homme ».

 

Charles Hervet Bruyer, Bruno Parmentier, Eric Fottorino, « Nourrir les hommes, les nouveaux défis de l’agriculture », décembre 2015.

 

Eléments de réflexion sur une stratégie sous-régionale (les pays de l’UMA) relative

à la gestion de la sécheresse (avant-projet). OSS, 2004.

 

-L’aridoculture et le développement durable .Amor HALITIM.

Département d’Agronomie, Faculté des Sciences Université El-Hadj Lakhder, Batna, Algérie

 

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-F.A.O : Le Programme de développement pour l’après-2015 et les OMD : Énergie

 

L’homme et l’énergie, des amants terribles – Jancovici – Septembre 2015

 

-Afrique – Électrification : la solution pas seulement dans le financement.   Sidy Diop. Nathalie Daley.08/12/2015.

 

Le déclin de la biodiversité menace l’humanité. Alain Zecchini  1998. Monde Diplomatique

 

Le défi climatique, une chance pour l’Afrique, Linah Mohohlo et Michel Camdessus, 06/07/2015.

 

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Assurer la sécurité alimentaire : Faits et chiffres. Michael Hoevel. Crédit: FAO.2014

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NOURRIR MANGER… DEUX DEFIS DU SIECLE25 juin 2015.  Bruno Parmentier

 

Aménagement des bassins versants dans les zones arides. JOHN L. THAMES
Professeur, School of Natural Renewable Resources, Tucson -Arizona

 

Le Sahara prehistorique entre Afrique du Nord et Sahel : Etat des connaissances et perspectives. Robert Vernet. Paris 2004

 

8000 ans avant JC Sédentarisation et agriculture. Jeanne Laffont

 

-L’Afrique du Nord antique jusqu’à la conquête romaine. Anonyme

 

-Le concept de durabilité à travers une relecture de l’histoire agricole romaine et des paysages actuels de certains sites maghrébins hérités de cette époque. Colloque international « Développement durable des productions animales : enjeux, évaluation et perspectives », Alger, 20-21 Avril 2008 BOUABDALLAH El-Hadi, Groupe conseils agricoles de l’Abitibi. Québec. Canada.